- renouer, entretenir et fortifier les liens qui unissaient les élèves durant leur scolarité berchemoise
- apporter une aide à ses membres dans les circonstances prévues statutairement
- informer ses membres en toutes matières susceptibles de les intéresser
- faire mieux connaître l’Institut L’association et dirigée par un comité élu en assemblée générale.
- 6h30 : lever, toilette et aération des lits
- 7h-7h30 : petit déjeuner, remise en ordre des lits et passage au ciroir
- 8h30-10h et 10h15-11h25 : classe
- 12h-12h30 : dîner, puis temps libre
- 13h30-14h15 et 14h30-15h25 : classe
- 15h-16h : goûter
- 16h-17h45 : classes techniques ou musique
- 18h-19h : étude
- 19h-19h30 : souper puis temps libre
- l’heure du coucher était variable selon les catégories d’âges des élèves.
APERÇU HISTORIQUE DE L’INSTITUT
C’est en 1883 que fut fondé l’Institut de Berchem-Sainte-Agathe.À cette époque, il existait déjà dans notre pays plusieurs institutions libres calquées sur les écoles françaises, dont les premières avaient été ouvertes à Paris, respectivement en 1760 par l’abbé Charles-Michel de L’ÉPÉE (1712-89), universellement connu pour avoir inventé l’enseignement des sourds au moyen du langage des signes – et dont l’anniversaire est célébré dans le monde entier par toutes les associations de sourds-muets -, et en 1784 par Valentin HAÜY (1745-1822), qui imagina un système d’écriture typographique en relief pour les aveugles. L’école de Liège avait notamment été inaugurée en 1819, tandis que le chanoine TRIEST (1760-1836) fondait à Bruxelles deux instituts pour sourds-muets et aveugles, l’un pour filles (1834, ancêtre de l’IRSA d’Uccle), l’autre pour garçons (1835, transféré à Woluwé-Saint-Lambert en 1878) ; de son côté le chanoine CARTON (1802-1863) créa à Bruges, avec le soutien de l’évêché et de la Province de Flandre-Occidentale, l’institut « Spermalie » pour enfants sourds et aveugles (1836-1837).
Mais ces écoles étant des établissements libres catholiques, la Province de Brabant, se substituant de fait à l’État, qui n’avait rien créé dans le domaine de l’instruction et de la formation des enfants sourds-muets, acquit en 1882 un vaste immeuble inoccupé, situé dans une des parties les plus salubres des environs de Bruxelles. M. DUBOIS-THORN, gouverneur de la Province, avait proclamé, en s’adressant au roi Léopold II, le 1er janvier 1883, que « l’œuvre qui venait de voir le jour pouvait être considérée non seulement comme une œuvre provinciale, mais comme une œuvre nationale et humanitaire, car il n’existait en Belgique aucun établissement public de ce genre. » Le 5 mars, la Députation permanente confiait à une commission le soin de préparer un avant-projet d’appropriation et d’organisation ; ainsi, le 1er octobre 1883, la nouvelle école ouvrait ses portes. Elle était placée sous la direction de M. CHARBONNIER, député permanent, qui devait occuper ce poste pendant dix années. Il eut comme successeurs MM. GRAMME, directeur d’école moyenne (1893-1905), GRÉGOIRE (1905-1924) et MARTIN (1927-1929).
Bâti en 1872 par une congrégation de religieuses au sud d’un jardin de 6 hectares, que clôturaient des murailles garnies d’espaliers, l’établissement en briques rouges occupait une superficie de 3.000 mètres carrés. Il dut rapidement subir de multiples transformations pour l’adapter à sa destination et l’aménager selon l’esprit et les exigences modernes d’une école primaire et professionnelle.
Lors de sa création, l’Institut n’accueillait que des sourds-muets. Ils étaient 6 en 1883, 65 en 1890, 119 en 1900, mais leur nombre atteignait déjà 170 en 1908 au moment du 25ème anniversaire de l’établissement. L’enseignement général y fut complété par une section professionnelle et la création d’ateliers : cordonnerie, coupe et confection de vêtements (1884), menuiserie, jardinage et horticulture (1885). Quant au personnel enseignant, les spécialistes étant rares en Belgique à cette époque, il avait été fait appel à un professeur de Groeningen, M. BURGMANS, et à un autre de Liège, M. GRÉGOIRE, puis à M. DE KRIEK, de Rotterdam ; M. STEPMAN, sculpteur de Bruxelles, était chargé du cours de dessin et de modelage, tandis que M. CALOZET, instituteur primaire ayant étudié à Dresde et NÄSS (Suède), dispensait le cours de menuiserie.
C’est grâce à Isidore LANDRAIN, qui fut professeur à l’Institut (1906-1914), puis bourgmestre de Berchem-sainte-Agathe, que, dès 1906, l’enseignement aux déficients auditifs eut en Belgique sa presse spécialisée : la « Revue belge des sourds-muets et de leur enseignement ».
L’enseignement aux sourds-muets
En 1883, il y avait bien longtemps que la méthode gestuelle, préconisée par le vénérable abbé de L’ÉPÉE, avait été abandonnée pour être remplacée par la méthode employée bien avant lui par de nombreux précepteurs qui s’étaient occupés d’enfants sourds de naissance, à savoir : la méthode orale, dont l’efficience avait été unanimement sanctionnée par le Congrès de Milan (1880) resté célèbre dans le monde de la pédagogie spéciale. La méthode orale est donc appliquée à l’Institut de Berchem. Son principe peut être résumé en énonçant qu’elle doit permettre à l’élève de comprendre la parole d’autrui grâce à la parole sur les lèvres et à s’exprimer lui-même par la parole articulée. Les exercices devant le miroir permettent à l’enfant de voir presque simultanément et les organes vocaux du professeur et ses propres organes vocaux lors de l’émission de différents sons du langage, ce qui lui permet, dans la mesure du possible, de les imiter. Lorsque la vue ne lui suffit pas pour obtenir une prononciation satisfaisante, le professeur lui fait alors percevoir les vibrations produites par les différents éléments phonétiques, par exemple sur le larynx, sur la joue, sur les ailes du nez ou encore sur le sommet du crâne. Conjointement à cette démutisation (apprentissage de la parole) doit être mené à bien l’enseignement de la langue elle-même ainsi que des différentes branches scolaires.On ne peut évoquer la pédagogie berchemoise relative aux sourds-muets sans que l’on mentionne le nom d’Alexandre HERLIN, dont la mémoire est honorée par un bas-relief que l’on peut voir à droite du grand escalier à l’entrée de l’école.
Alexandre HERLIN (1877-1930) est né à Chaineux (province de Liège), où son père était instituteur. Il fit ses études à l’École normale de Verviers d’où il sortit diplômé en 1896. Engagé comme surveillant à l’Institut de Berchem la même année, il passa brillamment son examen de professeur en 1904. Il s’intéressa dès lors à tout ce qui touche à l’enseignement spécial. D’une activité débordante, il fut de tous les congrès, collabora à toutes les revues, à tous les journaux relatifs à l’enseignement spécial. Il fut professeur au cours normal provincial d’enseignement spécial, membre écouté de la Société protectrice de l’Enfance anormale et conférencier à la Ligue de l’Enseignement. En 1921, il fut appelé par le Gouvernement belge aux fonctions d’inspecteur des institutions pour enfants anormaux et estropiés. Malgré son travail incessant, il trouva le temps de publier de nombreux ouvrages, dont : « Acquisition du langage par l’enfant », « Le langage des anormaux », « Notes pédagogiques sur l’enseignement aux sourds-muets », « Prononçons bien », et surtout « La méthode belge de démutisation » plus connue à l’étranger sous le nom de « méthode belge » ; cette méthode, qui est la transposition sur le plan de l’enseignement de la parole aux enfants sourds, des idées du Dr DECROLY relatives à la globalisation, devait connaître une diffusion mondiale et – pendant de longues années – l’IPHOV fut considéré comme « La Mecque» de la pédagogie nouvelle aux déficients auditifs. Une nouvelle orientation allait être imprimée à l’enseignement aux déficients auditifs après la Seconde Guerre mondiale ; elle a pour origine l’apparition sur le marché d’audiomètres et d’appareils de correction auditive dont les caractéristiques techniques et les résultats que l’on peut en attendre sont remarquables. Non seulement les élèves doués de restes auditifs assez importants – les demi-sourds et les durs d’oreilles – ont été groupés dans les mêmes classes, mais les sourds profonds eux-mêmes ont ainsi pu bénéficier dans une certaine mesure d’une éducation auditive malgré l’indigence de leurs reliquats auditifs.
Par ailleurs, si la démutisation et la labialisation constituent toujours la base de l’enseignement aux sourds-muets, la langue des signes, qui demeure leur véritable langage vernaculaire, a suscité, grâce à l’enthousiasme et la persévérance de pionniers tels Raymond SAUSSUS ou Jacques DORMONT, l’intérêt du public et elle est même enseignée de nos jours hors des écoles spécialisées et est utilisée de temps en temps à la télévision, mais de plus en plus régulièrement au théâtre, au même titre que l’audiodescription pour les aveugles et les malvoyants. Elle est d’ailleurs l’essence même de la « Charte du Sourd », véritable catalogue de revendications pour le respect de la dignité et pour l’intégration de la personne sourde et/ou malentendante.
Parmi les publications relatives à cette catégorie de handicapés, il faut encore mentionner le « Bulletin international de l’enseignement des sourds-muets » écrit par A. HERLIN en 1911 et édité en français, italien, anglais et allemand, ainsi que la parution en 1919 de la relation de conférences données en 1917 aux professeurs de l’Institut de Berchem par le Dr CHEVAL ; Dans cet ouvrage, tous les problèmes qui doivent retenir l’attention des professeurs pour déficients auditifs sont traités avec une précision exemplaire et la rééducation auditive y est abordée trente ans avant l’ère des appareils électroniques.
L’Institut jusqu’à la Seconde Guerre mondiale
C’est seulement en 1904 que la Province de Brabant dota l’Institut d’une section accueillant les aveugles et les faibles de vue – le terme «amblyopes», couramment utilisé pour désigner ces personnes, est abusif car l’amblyopie est une affection oculaire bien précise et non un terme générique ; une enquête approfondie réalisée à la fin des années 1950 par Joseph LENAERTS parmi les élèves déficients visuels a révélé que ceux-ci étaient concernés par au moins une quarantaine de maladies, défauts ou troubles oculaires différents. Aux 12 classes de sourds-muets s’ajoutèrent 4 classes de déficients visuels. Dès le début, tous furent initiés au système d’écriture en relief basé sur la combinaison de six points inventés par Louis BRAILLE et qui porte son nom. Les élèves qui possédaient suffisamment de vision utilisaient aussi, dans la mesure du possible, l’écriture ordinaire, souvent très agrandie. La première classe spécifiquement destinée aux « amblyopes » fut créée en 1937 grâce à la générosité de Mme Vve Eugène DUGNOLLES ; un fonds légué par cette dernière permit à l’Institut, jusque dans les années 1960, lors des distributions de fin d’année, d’offrir des prix en espèces et une montre aux élèves aveugles ou malvoyants qui s’étaient distingués.Contrairement à la spécificité de l’enseignement aux sourds-muets, celui aux aveugles et aux malvoyants, même s’il requiert une pédagogie adaptée, se rapproche considérablement des méthodes d’instruction dispensées en milieu scolaire ordinaire. Mais ce qui le caractérise, ce sont les adaptations techniques pour la lecture, l’écriture, l’arithmétique, les représentations graphiques – ceci étant particulièrement notable pour les aveugles ; ce qui importe surtout pour les malvoyants, c’est la luminosité des locaux, la taille des caractères imprimés et les contrastes le support et le texte. Le matériel adapté a constamment été amélioré en faveur de ces deux catégories de personnes : ouvrages en grands caractères, cahiers à doubles lignes, loupes grossissantes. La pratique du « braille» nécessite un matériel spécial : planche à clous (« braillette ») pour l’initiation de l’enfant à l’alphabet braille, tablette à cuvettes de six points ou à lignes (démodée) et poinçon pour l’écriture, machines à écrire rudimentaires et très bruyantes dans les premiers temps, avant l’apparition de la « Perkins » au début des années 1960, cubarithme pour le calcul, livres imprimés en braille pour l’étude et la lecture (entre autres les manuels de langue et de composition française de Collette et Despontin, les « Pages classiques de la littérature française » de J. Gob, etc.), atlas de géographie et d’histoire en relief ; au début des années 1930, deux professeurs pour aveugles, MM. DARIMONT et CRAMER, ont réalisé une gigantesque mappemonde en relief adaptée autant pour les aveugles que pour les malvoyants, ainsi qu’une grande et magnifique carte murale en relief de la Belgique ; ces précieux témoins du passé ont malheureusement disparu, victimes de l’incurie ou de la bêtise de gens ignorants de la valeur de tels matériels.
Quelques idées sur la pédagogie des aveugles
Extrait d’une conférence donnée en avril 1935 par M. CRAMER, professeur à l’Institut de Berchem-Sainte-Agathe devant l’Assemblée générale du Comité d’Action des Aveugles d’Expression française)Vous comprenez qu’il ne s’agit pas de donner à cette causerie toute l’ampleur que le mot « pédagogie » éveille, d’autant plus qu’il n’y a pas de pédagogie, y adaptée aux aveugles, sinon on serait tenté de les cataloguer dans la classe des anormaux, ce qu’ils ne sont pas, puisque simples estropiés de la vue, ils conservent toutes les possibilités du potentiel humain, déposés à des degrés différents, dans chaque entité et au plein épanouissement duquel la cécité apporte des entraves, dont les procédés de la pédagogie, appliqués à l’état spécial des privés du sens visuel, cherchent à desserrer l’emprise.
C’est là notre rôle et notre mission, duquel je ne saurais vous exposer que certaines modalités tant du domaine physique qu’intellectuel.
En parcourant la « Psychologie d’un aveugle » d’ANSALDI, on est frappé par l’effroyable déchéance psychomotrice, dont l’auteur nous fait un tableau tellement saisissant, qu’on le croirait destiné à une charge du crayon de SEM, plutôt qu’une image véridique de la réalité. Hélas ! Sans idée de généraliser, cette réalité écœurante se présente assez souvent. Victimes de l’inexorable sort, victimes du milieu familial souvent incompréhensif, victimes du sentiment de la peur, véritables martyres d’une inertie à laquelle ils sont souvent condamnés par leur entourage familial qui pèche par ignorance et commisération mal placée, ils n’éprouvent plus à la longue ce besoin moteur de communiquer avec l’ambiance du milieu et glissent insensiblement vers une véritable léthargie musculaire, dont les conséquences néfastes se transmettent au domaine de l’intelligence et créent cet engourdissement des facultés qui pourrait faire croire à une véritable déficience mentale. Cette absence du besoin moteur pousse à l’hyper attention auditive qui caractérise généralement la déficience mentale chez le voyant.
Ce sombre tableau n’est pas tracé pour vous apitoyer ; non, les aveugles ne veulent pas de pitié, c’est une atteinte à leur dignité humaine et d’autant plus stérile que cette pitié est une trop facile rançon par laquelle nous, c’est-à-dire la collectivité, nous essayons de nous soustraire aux obligations d’une solidarité active et rénovatrice
. Le « Mens sana in corpore sano” trouve ici son application intégrale en le transportant dans le domaine de l’activité musculaire volontaire et ordonnée.
Nous arrivons ainsi sur le terrain pédagogique proprement dit : l’éducation physique dont la base peut se résumer dans cette formule : la productivité du capital intellectuel chez l’aveugle au prorata du quantum, dont il est le bénéficiaire est en rapport direct, tant quantitativement que qualitativement, avec son activité musculaire, volontaire et ordonnée, et cet autre : plus un aveugle a de l’adresse musculaire, moins il est aveugle.
Voilà et la base et l’importance de la culture physique dans l’enseignement aux aveugles. Il y a chez eux de véritables cas de déficience physique et qui constituent presque autant de cas pathologiques où la science médicale devra venir au secours de la science psychologique et pédagogique. L’art du professeur d’éducation physique se heurte à d’autres difficultés. Le courant magnétique de son sens visuel est sans emprise ; la description orale des mouvements, si nette soit-elle, est souvent vide de sens pour les privés de la vue ; l’autosuggestion est totalement absente.
Voilà autant de difficultés qui viennent mettre à l’épreuve la science du maître. Fondée sur une patience à toute épreuve et heureuse du moindre progrès ; toujours sur le qui-vive pour stimuler les activités volontaires et prévenir les découragements ; attentive aux causes psychologiques de l’ankylose néfaste ; irréductiblement opposée au sentiment d’une peur instinctive renforcée souvent par le milieu familial incompréhensif, la science de l’éducateur, malgré l’inertie qu’elle aura souvent en face d’elle, créera le goût du mouvement et de l’action et donnera aux aveugles cette confiance en eux-mêmes qui est la première et peut-être la plus importante étape dans la lutte de tout instant contre les étreintes débilitantes de la cécité.
Grâce à cette volonté et à cette persévérance de part et d’autre, les aveugles s’arrachent autant que l’effort humain le permettra à la tutelle que leur impose l’emprise de la cécité.
Je viens de citer le sentiment de la peur cultivé sous l’empire de l’égoïsme ou d’une affection mal comprise. En voici un exemple que je vous prie cependant de ne pas généraliser.
Un jour, un enfant aveugle d’environ 10 ans nous est confié. Il sort d’un milieu de la petite bourgeoisie. Éduqué avec soin, s’exprimant très bien, il lui manque toute confiance en lui-même et toute assurance vis-à-vis de ses propres mouvements. Je veux l’obliger à descendre seul les escaliers. Se cramponnant à la rampe, il risque la descente ! Je le place a milieu d’une marche et lui demande de descendre ; il tend désespérément les bras à droite et à gauche, essaie de libérer son pied de l’appui de la marche ; aussitôt qu’il constate cette chute partielle dans le vide, plein de terreur il s’écrie : « Tout ce que vous voulez, Monsieur, mais pas cela ! »
Vous voyez par ce simple fait que je n’ai point exagéré les effets, souvent malheureux, de l’incompréhension du milieu familial. Ne mettons cependant pas toute la responsabilité du côté de ce même milieu : il y a d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte et dont nos n’avons pas à nous occuper ici.
Ce qu’il importe d’éduquer chez l’aveugle, ce sont ses doigts et ses mains. Un auteur a pu l’appeler à juste titre : « les antennes du cerveau », non pas par des exercices genre Montessori : ils manquent de mouvement et n’éveillent que médiocrement l’intérêt des enfants, ne laissant à peu près pas de place à l’initiative, qualité qu’il faut développer, chez l’aveugle surtout et dont il aura la plus grand besoin dans sa vie sociale, même jusque dans les simples actions de la vie de tous les jours. Il y a là tout un programme, dont les modalités ne peuvent entrer dans cet exposé restreint.
Ces quelques mots sur l’éducation physique éveillent nécessairement l’idée de jeu et de sport pour les aveugles.
Ne vous rebiffez pas ! Oui, il y a des pays où les sorts sont en honneur chez les aveugles. C’est dans les pays anglo-saxons et certains pays nordiques que les institutions les ont mis à la portée des privés de la vue, grâce à des procédés ingénieux qui rendent leur pratique possible aux aveugles. Toujours le même but : lutter contre cette apathie, non pas toujours innée, comme beaucoup le pensent, mais résultant souvent de causes précédemment citées. Il ne s’agit pas ici de leur donner cette force brutale, qui n’en impose généralement qu’aux esprits faibles, mais cette grâce charmante, cette précision, cette adresse de toutes leurs activités physiques. C’est là d’ailleurs la plus belle victoire que les aveugles puissent escompter dans la lutte contre les entraves de la cécité. Victoire qui les mettra à même de figurer dignement et avantageusement dans la lutte pour l’existence ! Actuellement, on fait à l’Institut des essais de gymnastique rythmique. Il est certain que, judicieusement appliquée, la gymnastique rythmique pourra produire les plus heureux résultats dans l’harmonisation des mouvements chez les aveugles. L’extension de l’Institut en deux sections et l’augmentation croissante de sa population nécessitèrent la création de nouvelles structures, tant pour l’enseignement général que pour la formation professionnelle. On compta bientôt 12 classes pour sourds-muets et 4 pour aveugles. Un atelier de vannerie, cannage et rempaillage de chaises compléta ceux existants. À l’instar de l’atelier artistique pour les sourds-muets (dessin, peinture, sculpture, gravure, etc.), où de nombreux élèves se distinguèrent (Jacques DORMON notamment), fut créée une section musicale où furent enseignés le solfège, l’accordage de pianos et l’initiation instrumentale (piano, violon, violoncelle, accordéon et, au besoin, d’autres instruments – cela avant la guerre de 1940-45) ; elle produisit de nombreux musiciens de valeur, tant en musique classique qu’en variétés ; je ne peux m’empêcher d’en mentionner quelques-uns : Pierre GOEYENS (né en 1925), 1er prix de piano au Conservatoire de Bruxelles, ensuite professeur à l’Institut puis à l’Académie d’Uccle ; Albert KAISIN, violoniste, membre (comme Joseph DE LATTER) du Quatuor à cordes de la Ligue Braille qui se produisit un peu partout en Belgique ; mais aussi la plupart des musiciens de l’Orchestre du Protectorat qui prit ensuite le nom d’ensemble Light and Dark créé par Charles D’HAENS, pianiste, et dirigé un temps par Adolphe VOSSART ; cet ensemble a animé de nombreux bals et fêtes, entre autres ceux du Protectorat et de notre Amicale (1955-1977). Après la guerre, si la section musicale n’eut plus tout à fait le même éclat, elle produisit cependant encore quelques artistes remarquables, comme Raymond TANGHE, violoniste qui atteignit la demi-finale au Concours Reine Élisabeth et fit carrière à l’orchestre de la Monnaie ; l’Indonésien IRSJAD, qui obtint un 1er prix de violon au Conservatoire de Bruxelles et retourna dans son pays auréolé de cette brillante distinction. L’Institut, qui était organisé en internat, accueillait les enfants handicapés de l’ouïe et de la vue depuis l’âge de 3 jusqu’à 19 ans. Seuls les parents aisés payaient la pension de leurs enfants ; elle était gratuite pour les familles modestes ou nécessiteuses. En dehors du gîte et du couvert, les internes recevaient le trousseau, les fournitures classiques, l’outillage et les soins médicaux. Trois médecins spécialistes étaient attachés à l’école ainsi qu’une infirmière ; après la Seconde Guerre, deux fois par an, les élèves étaient conduits à l’Institut Eastman pour les soins dentaires. C’est seulement à partir des années 1930 que certains élèves devinrent externes ou semi-externes. La plupart des internes, dans les premiers temps, ne rentraient chez eux qu’aux petits congés (Toussaint, Carnaval, Pentecôte) voire aux vacances (Noël, Pâques) ; certains même passaient le temps des grandes vacances - à une certaine époque : mi-juillet à mi-septembre - à l’école. L’époque pénible et tragique de la Première Guerre fut quelque peu adoucie à l’Institut grâce à l’aide américaine apportée à la Belgique martyre dès 1915. Dès 1919-1920, d’importants travaux de modernisation et d’embellissement furent entrepris : création d’une salle de gymnastique dans la chapelle de l’ancien couvent. Mais c’est avec la nomination d’Auguste LONNOY comme directeur (1929-1947) (mort en 1954) que l’Institut atteignit vraiment la notoriété. Son « règne » vit notamment les fastes du cinquantenaire de l’établissement, mais aussi les soucis et les affres de l’occupation allemande.
Pierre Lefebvre, (extraits de la revue des 125 ans de l'Institut)
1904 - La Province de Brabant dote l'Institut d'une section accueillant les aveugles et faibles de vue
1906 - Alexandre Herlin (1877-1930), entré à l'Institut comme professeur en 1896, crée une méthode de démutisation pour les enfants sourds
Cette méthode, publiée en 1927 aux Editions des Imprimeries Armand Jonckheere, connaîtra une diffusion mondiale et sera connue sous l'appellation "Méthode belge"; rééditée en 1951 aux Editions des Imprimeries Léon Urdal, par Arthur Vangoidsenhoven sous le nom "La Méthode belge de démutisation... vingt ans après". Alexandre Herlin, né le 17 juillet 1877 à Chaîneux, a également publié "Eléments d'orthophonie à l'usage de tous les éducateurs" en 1910 aux Editions Ancienne librairie Castaigne et "Prononçons bien" en 1923 aux Editions Maurice Lamertin. En 1921, il fut nommé inspecteur pour l'enseignement des anormaux, sourds-muets et aveugles par le Département de la Justice. Il succomba le 13 juin 1930, à Sint-Job in 't Goor, au cours d'une inspection.
Méthode de démutisation
1907 - Création du Protectorat
L’existence du Protectorat est attestée dès 1909 grâce à la date figurant sur son drapeau ; il disparut lors de la Première Guerre mais fut reconstitué au début des années 1920. Il se constitua en ASBL en 1933 et ses statuts parurent au Moniteur Belge du 26 mars 1933 ; il était alors présidé par Me Edmond ECTORS, notaire, et comptait, entre autres : MM. A. LONNOY, directeur ; E. LEPAGE, J. DARIMONT, Pierre CRAMER, G. GOUVERNEUR, G. BORRÉ, Pierre DESMET, professeurs, H. OPDECAM, président de l’Amicale des Sourds, etc… Dès le début, l’œuvre du Protectorat bénéficia d’une immense sympathie parmi les notables et la population berchemoise. Cela lui permit d’offrir à ses protégés (élèves, puis anciens élèves) toutes sortes de bienfaits et d’aides dans différents domaines. Ainsi put-il, lors du cinquantenaire de l’école, contribuer à envoyer les pensionnaires de l’Institut en séjour au littoral pendant une dizaine de jours. Dès lors, chaque année sauf pendant la guerre, des groupes d’élèves eurent la chance et la joie de passer une semaine tantôt à la Côte, tantôt en Ardenne à la fin de l’année scolaire ; il faut aussi préciser que ces séjours furent rendus possibles grâce à la générosité des œuvres du journal « Le Soir ». Le Protectorat choyait aussi les élèves à l’occasion des fêtes de la St-Nicolas et lors de la proclamation des résultats de fin d’année. Par ailleurs, il venait aussi en aide aux anciens élèves soit en leur accordant des prêts d’honneur voire des aides en cas de grandes difficultés ou pour leur permettre de s’établir.
Les ressources du Protectorat provenaient exclusivement des dons et legs qu’il recevait, du produit des cotisations de ses nombreux membres, du bénéfice de sa grande tombola et du bal annuel qu’il organisait dans une salle de Berchem ; à ce propos, il est bon de signaler que ceux-ci furent souvent animés avec brio par l’orchestre des anciens élèves.
Comme il traverse une période de « vaches maigres », le Protectorat a dû depuis quelque temps réduire ses largesses et recentrer son action sur des objectifs plus urgents. Il souffre aussi de la raréfaction et de l’usure de ses collaborateurs les plus actifs. C’est aussi pourquoi nos amicales lui apportent leur soutien dans la mesure de leurs moyens.
Il est présidé actuellement par Me Olivier TIMMERMANS, notaire, qui prit la relève de son père Lucien, décédé en 1995. Ce dernier avait pris la difficile succession de Pierre DESMET, l’infatigable propagandiste de l’œuvre.
Le bulletin d’information du Protectorat porta d’abord comme titre : « Le Sourd et l’Aveugle », devint « Émancipation » en 1952, puis simplement « Protectorat » vers 1960.
Pierre Lefebvre (extraits de la revue des 125 ans de l'Institut)
1908 - Outillage et livret offert à l'élève
A la fin de l'apprentissage, le Protectorat offre à l'élève l'outillage complet et un montant se soldant par 300, 400 et même 500 francs sur un livret.
1908 - 25ème anniversaire de l'Institut provincial des Sourds-Muets et d'Aveugles du Brabant, à Berchem-Sainte-Agathe
1922 - Création de "La Silencieuse"
Association sportive des élèves et anciens élèves sourds de l'Institut (gym, basket, football...)
Tombola du Protectorat depuis novembre 1929
A l'initiative du Directeur Auguste Lonnoy et de quelques professeurs, dont Mr Desmet, que fut décidé l'organisation d'une tombola en faveur des élèves de l'Institut, qui fut généreusement alimentée par les commerçants de la commune et connut un immense succès dans la commune et parmi les amis de l'Institut; cette initiative contribua aussi à l'imminente rénovation du Protectorat.
Les commerçants firent dons, qui d'une casquette, qui d'une écharpe, d'un cramique, d'un rôti de porc ou de six boudins. Les objets les plus divers affluèrent au local et les billets de tombola au prix de 1 franc s'élevèrent par séries. Résultat de la première épreuve: plus de 3000 francs de bénéfices nets.
Tout suivi une progression constante. Le gros de la tombola - du modeste cramique en 1929 - devint successivement une bicyclette, une salle à manger, une chambre à coucher, une motocyclette et enfin une automobile.
Les distributions de la Saint-Nicolas, de Pâques et de fin d'année scolaire eurent de plus en plus d'ampleur. Achats de radios, de billards, de tables de ping-pong et de jeux divers, équipements sportifs et de scoutisme se multiplient, les séjours à la mer et à Hastière ainsi que les voyages scolaires tant en Belgique qu'à l'étranger devinrent réguliers.
Bal du Protectorat depuis le 27/11/1929
Le premier bal d'une longue série, organisé par la même équipe de bienfaiteurs, eut un rapport de 3000 francs qui permit d'alimenter la Saint-Nicolas qui eut lieu le 06/12/1929 et se poursuivit avec le concours du Protectorat et la collaboration de l'Institut.
Saint-Nicolas depuis 1929
Le Protectorat offre chaque année, au moment de la Saint-Nicolas, aux élèves des sections de Sourds-Muets et d'Aveugles des jouets, des friandises, des outils, des livrets de caisse d'épargne... (la 1ère photo ci-dessous est datée du 05/12/1936)
Excursion automobile depuis 1930
La grande excursion annuelle du jour de l'Ascension est organisée avec le concours d'une cinquantaine de propriétaires d'automobiles de la commune qui à cette occasion se mettent généreusement eux et leurs voitures à la disposition du Protectorat.
1930 - Création des Amicales
Une Amicale des Sourds-Muets existait en 1907 mais elle disparut durant la Première Guerre. Devenu directeur en 1929, A. LONNOY s’en souvint et proposa dès l’année suivante aux anciens élèves des deux sections de (re)constituer des amicales afin de maintenir et de consolider les liens d’amitié ou de camaraderie entre anciens condisciples. C’est donc le 21 juillet 1930, à l’occasion d’un banquet à l’Institut, que fut constituée l’Amicale des Sourds-Muets, qui eut comme premier président Henri OPDECAM (1930-1962).
L’Amicale des aveugles et malvoyants fut créée dans les mêmes conditions sous la houlette du directeur LONNOY et à l’occasion d’un banquet le 1er septembre 1930. J’ignore le nom du premier président, mais le premier secrétaire s’appelait J. GAUTHY. Tout comme les amis sourds, nous ne possédons plus de documents des premiers temps, à l’exception du compte-rendu de l’Assemblée générale du 9 septembre 1934 et un article écrit par le secrétaire sur la législation sociale en 1935. Par contre, nous savons que l’activité de l’association était intense après la Seconde Guerre, notamment à travers les réunions hebdomadaires de l’orchestre à l’Institut, d’abord les jeudis, pus les samedis après-midi dans l’auditorium. Entre 1955 et 1977 (sauf en 1976), l’Amicale organisa un bal annuel fin janvier, qui constitua longtemps sa principale source de revenus à côté des cotisations. Comme l’association suivait le calendrier scolaire, les réunions annuelles eurent lieu fin août ou début septembre jusque dans les premières années 1960, époque où furent véritablement rédigés des statuts précis et cohérents ; on suivit alors l’année calendaire tant pour la comptabilité que pour les assemblées générales, qui se situèrent alors au cours du premier semestre, toujours à l’Institut.
Les buts de notre Amicale (AMIBSA = Amicale des [anciens élèves] aveugles et malvoyants de Instituts de Berchem-Saite-Agathe) sont les suivants :
Tous les élèves âgés de 18 ans au moins peuvent y adhérer et sont tenus d’acquitter une cotisation annuelle modique. Celle-ci donne droit, après un stage de deux ans, aux avantages statutaires (prime de mariage, de naissance dans son foyer, etc.).
Pierre Lefebvre (extraits de la revue des 125 ans de l'Institut)
1931 - Création 126ème Unité "Andrée De Jongh"
Une jeune fille, répondant au nom d'Andrée De Jongh (1916-2007), s'ingénie à former une troupe de scouts aveugles à l'Institut. D"un dynamisme peu ordinaire, elle mène ces jeunes garçons au jeu et à diverses activités. Elle consacre pas mal de dimanches à leur faire la lecture.
Dès lors, le scoutisme-extension est né, car la preuve est faite qu'en adaptant les activités à leur infirmité, tout garçon, qu'il soit infirme ou malade, trouve sa place dans la grande famille scout.
Mai 1931 - Méthode Decroly
D’origine belge, Monsieur Ovide Jean Decroly (1871-1932) est un médecin-psychologue, spécialisé dans la psychologie des enfants. À une certaine époque, notamment à la fin du 19e siècle, le bien-être des enfants est chose secondaire. C’est alors que Mr Decroly intervient à travers une nouvelle méthode d’éducation, baptisée méthode Decroly.
Il était une fois la méthode Decroly
Ayant baigné dans un environnement où la réussite scolaire devait primer sur tout autre aspect de la vie, Ovide Decroly décide de s’orienter vers les études de la médecine : de l’anatomie pathologique à la médecine mentale. Médecin brillant, il a vite fait de se rendre compte qu’à la fin du 19e siècle, les enfants étaient baignés dans une grande misère, qui les plaçait dans une position de déficience et qui les aurait conduits à l’échec et à la marginalisation.
Il supposait ainsi que la prise en charge de l’éducation de ces patients à l’école populaire n’était pas adaptée à leur situation. C’est alors que la Société de Pédiatrie décide de mettre Decroly à la tête d’une petite clinique, qui va petit à petit devenir une école – laboratoire, où il mettra en œuvre sa méthode.
Les grandes lignes de la méthode Decroly
La méthode Decroly obéit aux principes de la pédagogie active. En effet, la méthode Decroly consiste à placer l’enfant au centre. À l’encontre des méthodes classiques, aucun mimétisme et aucune passivité ne seront envisagés dans l’enseignement. Le rôle de l’enseignant sera d’observer l’enfant et de l’assister pour qu’il puisse évoluer au mieux.
À la base de la pédagogie se trouve le concept de globalisme. Une idée centrale va baser toutes les interactions interdisciplinaires et va servir à orienter le travail collectif. Généralement, cette idée centrale sera définie en prenant en compte directement les besoins de l’enfant à travers des centres d’intérêt.
La méthode Decroly dans la pratique
Les apprentissages vont s’organiser autour des 4 besoins élémentaires de l’enfant, à savoir l’alimentation, la protection contre le froid, la défense et le travail. Les démarches éducatives seront mises en place une fois que l’enfant aurait créé des liens avec ses semblables à partir de ces besoins précités. Ainsi, dans la pratique, ce sont des activités qui permettront à l’enfant d’interagir avec son milieu que l’école va proposer. La découverte, l’exploitation et l’observation seront mises en avant dans la méthodologie d’apprentissage. Toutes les fonctions de l’enfant devront être sollicitées à cet effet.
1933
Le journal "Le Soir" a accordé au Protectorat un subside de 13700 francs - montant largement amplifié après la guerre pour les voyages scolaires - pour le séjour de 130 élèves en vacances à la mer.
Communion solennelle depuis 1933
A l'occasion de la fête de communion solennelle, chaque élève concerné était, depuis les années 30, rhabillé de pied en cap par les soins de l'Institut avec le concours du Protectorat, et reçu avec les siens à la salle des fête lors d'une sympathique réception, cela jusque dans les années 90.
50ème anniversaire de l'Institut provincial des Sourds-Muets et d'Aveugles du Brabant, à Berchem-Sainte-Agathe
L'idée pivot était l'organisation d'une semaine nationale du sourd et de l'aveugle qui eut lieu du 18 au 27 novembre 1933. Cette manifestation inédite poursuivait un double but: faire connaître aux parents et au public en général qu'il existe des écoles où l'enfant sourd ou aveugle peut recevoir une instruction appropriée et apprendre un métier; faire comprendre au public et aux employeurs que le sourd ou l'aveugle ne sont pas des anormaux, mais des infirmes dont l'intelligence et les qualités peuvent être aussi développées qu'elles peuvent l'être chez d'autres individus et qu'il est particulièrement louable de donner du travail à ces déshérités de la nature, cherchant à gagner leur pain.
En vue de cette semaine de propagande, une affiche artistique du peintre Albert Crommelynck fut tirée à 5000 exemplaires et expédiée dans toutes les communes belges. Deux syllabus bilingues, l'un concernant l'enseignement du sourd et l'autre, l'enseignement de l'aveugle ainsi qu'une magnifique brochure illustrée intitulée : "Le Coeur d'une maman" furent distribuées dans toutes les écoles du pays avec des instructions pour les maîtres qui étaient invités à faire une causerie en classe sur l'éducation de ces deux catégories d’infirmes.
Une exposition fut organisée dans la salle des Glaces du Gouvernement provincial. Plus de 16000 visiteurs et plus de 200 écoles venues de tous les coins du pays la visitèrent. Le public manifestait son grand étonnement de voir que les sourds pouvaient devenir clerc de notaire, employé, graveur, sertisseur, lithographe ou sculpteur et remporter de brillants succès dans les Académies des Beaux-Arts des villes de Bruxelles et Mons ; il était émerveillé devant les procédés employés pour instruire l'aveugle, qui peut, lui aussi, apprendre un métier, soit musicien, accordeur, masseur, professeur, vannier, brossier, dactylographe ou commerçant.
1934 - Historique de la section des Amblyopes
Les promoteurs de la classe pour amblyopes de Berchem-Sainte-Agathe furent les Docteurs Henri Coppez et Van Lint.
En 1934, le Docteur Odic, de Paris, et le Docteur Brenta, envoyés à Strasbourg, suivirent la classe pour amblyopes créée en 1911 par le Docteur Redslob (*).
Grâce à l'obligeance et à l'esprit de prosélytisme des deux médecins français nommés plus haut, le Docteur Brenta put recueillir sur place tous les éléments pratiques concernant la création d'une classe pour amblyopes dans notre pays: recrutement, locaux, équipent. L'appui éclairé du Docteur Henri Coppez et l'importante aide financière de Madame Veuve Eugène Dugniolle, permirent de jeter, dès 1934, les bases de la première "sight saving class" à l'Institut. Elle naquit officiellement en 1937 par décision de la Députation permanente de la Province de Brabant.
Cette classe-type fut dédoublée en 1946. Le nombre d'élèves augmentant constamment, une nouvelle classe fut créée au début de l'année scolaire 1948-1949.
En 1951, les quelque 35 élèves se répartissent en trois classes:
- la classe inférieure: 1ère et 2ème degrés primaires;
- la classe moyenne: 3ème et 4ème degrés primaires;
- la classe supérieure: enseignement moyen et technique.
Celle-ci est mixte (aveugles et amblyopes), et reçoit tous les élèves âgés de 16 ans au moins. Plus tard, lorsqu'un nombre suffisant d'élèves justifiera pareille décision, la classe supérieure sera également dédoublée afin de rendre l'enseignement aux faibles de la vue complètement indépendant de celui dispensé aux aveugles.
Toutes les classes sont bilingues (français-néerlandais).
(*) Cette classe de Strabourg fut la première en France. La même année s'ouvrait la première classe pour amblyopes de la Ville de Paris, organisée et recrutée par le Dr Odic.
article rédigé par Emile Wicket, en novembre 1951
29/04/1934 - Inauguration salle de jeux
Le Protectorat avait fait l'acquisition d'un billard français, d'un billard russe, d'une table de ping-pong et de divers autres jeux et ameublement. Le local a fait la joie de nos protégés qui y ont passé agréablement leurs heures de liberté.
1935 - Création de l'orchestre symphonique du Protectorat
L'orchestre du Protectorat, sous la direction de Mr Flasschoen, est composé d'anciens élèves aveugles - Raymond Stiénon, J. Van Ing, Albert Kaisin, Maurice Decroës, Marcel Ghisbain, Henri Tock, Marcel Bady, Adolphe Vossaert, Marcel Van der Vloet, Joseph Delatter et Alfred Dewannain. Ceux-ci jouent soit du violon, du piano, de la clarinette ou de la basse chantante. Le premier bal animé par l'orchestre a eu lieu le 06 février 1937.
du 27/04 au 06/11/1935 - Exposition Universelle de Bruxelles sur le thème des transports et de la colonisation
Le stand de la Province de Brabant est conçu d'une façon charmante et présente un bel ensemble des innombrables activités de la province et de ses beautés touristiques et folkloriques. Il montre les progrès constants réalisés dans le domaine de l'enseignement, de l'hygiène, de la voirie, de l'agriculture...
Parmi les écoles représentées, l'Institut Provincial des Sourds-Muets et Aveugles à Berchem-Sainte-Agathe. Le but de cette institution est de procurer aux enfants sourds-muets ou aveugles une éducation et une instruction convenables. Métiers enseignés : musicien, accordeur, brossier, casquettier, coupeur-tailleur, canneur, cordonnier, dactylographe, dessinateur industriel, ébéniste, graveur, jardinier, lithographe, masseur, menuisier, typographe, sculpteur et vannier.
Un petit regret cependant! Pas de dioramas représentant les oeuvres provinciales et notamment l'Institut, d'une réalité plus saisissante, montrant mieux le jeune sourd-muet ou l'aveugle dans ses possibilités.
04/06/1935 - Une réception au Palais
Le Comité du Protectorat, en témoignage de profonde reconnaissance, a décidé d'offrir à Sa Majesté le Roi Léopold III, une oeuvre artistique, gravée par l'ancien élève Edmond Logelin. Edmond Logelin, section graveur sur métaux, est sorti de l'Institut le 15 juillet 1935 avec la mention grande distinction. Durant l'année scolaire 1933-34, il a obtenu le 5ème Prix en figure antique à l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et le 1er Prix de dessin d'après nature durant l'année scolaire 1934-35.
Une délégation, composée des Président et Vices-Présidents du Protectorat, Messieurs Van Glabbeke, Feuillien et Smets, du directeur de l'Institut, Monsieur Lonnoy, et de l'auteur de l'oeuvre a été reçue au Palais royal de Bruxelles. Monsieur le Grand Maréchal de la Cour, chargé au nom du Roi, de recevoir la mission, s'est vivement intéressé à l'oeuvre du Protectorat et a chaleureusement félicité le jeune artiste sourd pour la magnifique pièce d'art qu'il a exécutée.
21/07/1935 - AG de l'Amicale des anciens élèves sourds-muets de l'Institut de Berchem-Sainte-Agathe
Un objet d'art, oeuvre de Ed. Walraevens, sculpteur et entré à l'Institut en novembre 1892, fut offert au Protectorat en remerciement des nombreux témoignages de sympathie des membres à l'égard des infirmes de l'ouïe.
Mars 1936
La Province de Brabant vient de doter l'Institut d'un multitone. Les deux photos ci-dessous représentent les élèves d'une classe de la section des sourds-muets pendant une séance d'éducation auditive. Les enfants sont coiffés d'un casque muni de deux écouteurs différents. Par l'un de ces écouteurs, leur parviennent les sons renforcés; par l'autre ils reçoivent les sons aigus, à l'exclusion des sons graves.
Le potentiomètre (qu'on aperçoit sur chaque table) permet à chaque enfant de faire varier l'intensité des sons et de les porter à la hauteur qui convient le mieux à son oreille. Cette invention est dûe à un ingénieur et homme d'affaire britannique d'origine russe, Alexander Poliakoff (1910-1996), il a été président de Multitone Electronics pendant plus de 40 ans.
Au cours d'une réunion des membres du corps professoral de l'Institut, il a été décidé que journellement et durant une demi-heure, chaque professeur soumettrait ses élèves à un exercice d'audition avec le multitone.
1937 - Une classe d'amblyopes à l'Institut de Berchem-Sainte-Agathe
La première classe spécifiquement destinée aux «amblyopes » fut créée en 1937 grâce à la générosité de Mme Vve Eugène DUGNOLLE; un fonds légué par cette dernière permit à l’Institut, jusque dans les années 1960, lors des distribution de fin d’année, d’offrir des prix en espèces et une montre aux élèves aveugles ou malvoyants qui s’étaient distingués.
Un amblyope est un enfant qui ne voit plus suffisamment pour suivre l'enseignement donné à l'école primaire et qui voit trop pour être mis dans une classe d'aveugles.
Depuis plusieurs années, différents pays étrangers ont créé des écoles ou des classes pour amblyopes. La Députation permanente du Brabant, qui depuis toujours s'intéresse énormément à l'enfance malheureuse, vient de compléter son oeuvre à l'Institut de Berchem-Sainte-Agathe en créant une classe pour amblyopes. Mr Lenaerts, qui s'est spécialisé dans l'enseignement des infirmes de la vue, a été chargé de cette classe. Il est allé visiter la classe d'amblyopes de Paris et d'Allemagne. Mme Brenta, docteur oculiste, ainsi que les spécialistes Dr Coppée et Van Lint, ont apporté leur pécieuse et entière collaboration.
Notre classe d'amblyopes, sa première année d'existence, par Mr Joseph Lenaerts
Voici un an que notre classe de préservation de la vue a entamé sa destinée dans les rouages de notre organisation scolaire.
Sa création, encouragée par la Députation permanente du Brabant, a comblé une lacune réelle dans le système de l'éducation des déficients de la vue. Elle constitue une nécessité qui deviendra de plus en plus impérieuse au fur et à mesure que des résultats plus tangibles seront obtenus. Les promoteurs de notre classe ont jeté la base d'une oeuvre de haute valeur sociale, morale et économique. Aussi, nous rendons un vibrant hommage à Messieurs le Président et membres de la Commission administrative de l'Institut et à Madame Vve Eugène Dugniolle, dont la classe porte le nom, en hommage de reconnaissance. Nous y associons Madame et Monsieur les Docteurs Brenta et Van Lint, ainsi que Monsieur le Professeur Henri Coppez, oculistes de talent et de haute valeur professionnelle qui, depuis de nombreuses années, mettent leur savoir et leur coeur à contribution pour améliorer le sort des déficients de la vue. Nos enfants de vue faible et toute la catégorie si intéressante des personnes dont la vision accuse quelque faiblesse organique leur en sont reconnaissants et leur expriment leur profonde gratitude.
C'est un point d'honneur pour l'Institut du Brabant de Berchem-Sainte-Agathe de posséder la première classe officielle belge de préservation de la vue. Cela démontre la vitalité de notre école par l'empressement qu'elle témoigne à accueillir les grands courants d'idées qui, en matière d'éducation, traversent le monde.
En effet, de nombreuses écoles de préservation de la vue existent en Amérique, en Angleterre et en Allemagne; la France possède quelques classes: l'Association Internationale pour la prophylaxie de la cécité mène une puissante et intense propagande pour combattre le fléau de la cécité dans les différents pays.
Le but de notre classe est de donner une éducation modèle et une instruction solide aux enfants de vue faible tout en préservant et en améliorant leur vue, pour aboutir à l'apprentissage d'un métier choisi suivant leurs dispositions et leur capacité visuelle.
Quels sont les enfants considérés comme amblyopes?
Ceux qui éprouvent quelque difficulté de vision - après correction par des verres - pour suivre les classes ordinaires et qui voient de trop pour fréquenter une classe d'aveugles. 1/20è et 4/10è après correction, sont généralement considérés comme des limites extrêmes.
La plupart de nos élèves sont atteints de cataracte congénitale ou de myopie.
L'enseignement est totalement individuel; la classe comportant douze élèves de 6 à 15 ans.
Les matières sont celles prescrites par le programme de l'enseignement primaire, poussées parfois jusqu'à l'enseignement moyen, pour les sujets qui se préparent à des situations intellectuelles. Dans tous les cas, nous avons réussi à enseigner la matière prescrite et plusieurs élèves de 12 et 13 ans viennent de terminer leur sixième année.
L'organisation de la classe et le matériel scolaire sont des points importants et essentiels.
Notre modèle de table a été conçu par nous. La planche mobile peut être placée à l'inclinaison voulue par l'enfant, la petite table attenante a été spécialement prévue pour la machine à écrire.
table à plateau mobile
Une grande ardoise peut être glissée sur la planche mobile. Par ses proportions et son mécanisme ingénieux, cette table répond vraiment aux caractères d'une bonne table pour amblyopes. Chaque élève possède également sont tableau individuel attaché au mur, au fond de la classe.
Les tableaux sont d'un ton mat, bien noir. En général, la craie blanche non poussiéreuse est préférée à la craie jaune.
Les cahiers spéciaux ont des lignes bien visibles d'un millimètre de largeur. Nous possédons plusieurs modèles. Les meilleurs plumes sont celles à triple bec avec petit réservoir, fabriquées par Soennecken à Bonn, modèle 66. Pour le dessin, nous employons des crayons à grosse mine bien noire.
Afin de ne pas fatiguer leur vue, les enfants font usage constant de la machine à écrire pour leurs devoirs. Chaque élève possède la sienne.
dactylographie
Il n'existe pour ainsi dire pas de livres à caractères assez grand pour les amblyopes. Nous y remédions en faisant des bandelettes avec des caractères de 12 mm, en employant des alphabets vivants, en transcrivant les textes au tableau, en copiant à la machine, en caractères de 6 mm.
composition et lecture
Pour la lecture des caractères de 2 à 3 mm, les enfants emploient des loupes de lecture "Busch".
lecture à la loupe
Les murs de la classe ont une teinte jaune crème. La lumière entre à profusion par deux larges baies du côté sud-est. Le matin, par temps de vive lumière solaire, les rideaux sont baissés et une lumière douce nous vient de la porte vitrée du côté de l'ouest.
Par temps sombre, un éclairage de lampe opalines de 300 watts et quatre réflecteurs pour les tableaux, assurent une vision amplement suffisante.
La durée extrême des leçons de lecture est fixée à 5 minutes par élève. Ces leçons alternent avec des devoirs à la machine à écrire, avec des leçons d'histoire, de calcul mental et d'élocution.
Le calcul mental occupe une large place. Les exercices et problèmes figurent sur des fiches individuelles en caractères de 12 mm.
exercices de calcul
Les expériences sont à la base des leçons de sciences. Un petit résumé au cahier évite l'emploi de livres.
La géographie est enseignée au moyen de cartes en relief comme celles employées dans les classes d'aveugles. D'autres cartes, comme celles dressées par Vidal Lablache et éditées par Armand Colin peuvent rendre de grands services. Le toucher est le corollaire correcteur de la vie et parfois aussi son remplaçant.
leçon de géographie
Les exercices de travaux manuels: modelage, cartonnage, découpage sont le plus souvent des applications aux leçons de sciences, de vocabulaire, de géographie et d'histoire. Nous y consacrons trois heures par semaine.
travail manuel (découpage)
Une heure de jardinage complète cet enseignement manuel.
jardinage
Les enfants font de nombreuses excursions aux musées, aux monuments publics, à la gare, au port, aux marchés, au bois, à a ferme, aux champs pour observer les objets dans leur cadre naturel.
Notre enseignement ainsi préparé et réalisé, nous sommes en droit d'en attendre les meilleurs résultats. Mais ce n'est pas tout! Une commission d'orientation professionnelle a été instituée à l'école. Elle dirigera les élèves vers les métiers ou vers les fonctions pour lesquels ils ont des dispositions spéciales, elle se souciera de sauvegarder leur vue et même de l'améliorer dans la mesure du possible.
Juin 1937 - Création d'une section aéronautique à l'Institut de Berchem-Sainte-Agathe
Il ne s'agit pas, à juste raison, de faire de nos enfants des aviateurs, mais de les familiariser avec les choses de l'air. Il ne s'agit nullement de construire des planeurs, mais bien des avions jouets volant par leurs propres moyens et profitant des courants atmosphériques ascendants. Un amateur belge construit des petits avions qui tiennent l'air durant plus de dix minutes. La section avait l'intention de construire plusieurs petits avions durant la période hivernale afin de participer ensuite aux compétitions de l'aviation réduite. Connaissant l'habilité des enfants, l'Institut comptait remporter quelques succès.
La section aéronautique de l'Institut est présidée par Mr Jean Delaet, des professeurs MM Léon Parotte, Alfons Struys et Raymond Saussus, ainsi que des responsables des ateliers de menuiserie, cordonnerie et tailleurs et des délégués de classe. Un baptême de l'air dans les Fokkers trimoteurs de la Sabena a eu lieu le 23 juin 1937 pour 36 sourds-muets et 14 aveugles et repris tous les ans.
13/06/1937 - Démonstration de Canne Royale et de gymnastique
Les élèves de la section des sourds-muets, sous la direction de MM Darimont et Saussus, se sont livrés, devant un public nombreux, a une démonstration de Canne Royale et de gymnastique. Le groupe a obtenu un grand succès.
Juillet 1937 - début des travaux de la salle des fêtes et du hall d'entrée
En pleine euphorie vers 1933, le Protectorat apprit que la province de Brabant envisageait le transfert de l'Institut de Berchem-Sainte-Agathe à Waterloo.
Pour les membres du CA du Protectorat, c'était une catastrophe pour les élèves et pour l'oeuvre. Désastre aussi pour l'action sociale qui s'ébauchait alors que l'Institut réalisait cette gageure de faire accepter des élèves aveugles au Conservatoire Royal de Bruxelles et des sourds à l'Académie des Beaux-Arts.
Le CA a alors entrepris les édiles provinciaux et communaux avec persévérance et ténacité et, comme une juste cause triomphe toujours, le CA a obtenu de ces hommes de coeur un retournement de la situation: l'Institut non seulement resterait à Berchem-Sainte-Agathe mais l'ancien couvent assez vétuste, peu confortable et plutôt triste allait subir des transformations successives qui en feront un établissement modèle. Merci Messieurs les membres du Conseil provincial d'avoir si bien et si généreusement compris votre devoir.
Ce fut là un effet psychologique de l'action du Protectorat.
Fin des travaux: mars 1940
22/04/1939 - Création du Cercle "Volonté"
Créé par Jacques Dormont. Série de conférences pour les sourds dans le but du développement intellectuel ou culturel. Il connut un réel succès avant et pendant la guerre, puis déclina peu à peu ensuite.
L’Institut pendant la guerre de 1940-1945
10 mai 1940… 2 h du matin ! La cloche de la porte d’entrée de l’Institut sonne à toute volée. C’est un bataillon de cyclistes caserné à l’ancien hôpital St-Jean qui vient camper. À 5 h, quelques avions allemands laissèrent tomber leurs bombes sur Bruxelles. Le 7 mai, les dirigeants de ce pays avaient solennellement déclaré que jamais ils n’attaqueraient notre pays.En 1939, la mobilisation partielle de l’armée nous prend nos collègues Jean DELAET, Raymond SAUSSUS, Joseph LENAERTS et Ernest LEPAGE. Le 14 mai 1940 des affiches officielles appelle sous les drapeaux les hommes de 16 à 45 ans, la majorité des membres du personnel de l’école partent vers la France.
L’école aussi se vide, la plupart des enfants sont repris par leurs parents. Les enfants orphelins et ceux habitant les provinces de Liège, Namur et Luxembourg nous restent. La ferme-école de Waterloo et les pensionnaires de l’école provinciale de Batellerie sont transférés à Berchem-Sainte-Agathe. Les 17 et 18 mai sont des jours tragiques. L’artillerie anglaise prend position à Molenbeek et Berchem pour défendre Bruxelles. Il s’agit de mettre tout notre monde à l’abri. La salle des fêtes est convertie en salle d’hospitalisation comprenant 50 lits et mise à la disposition de la Croix-Rouge. Heureusement, aucune grande bataille ne se livra. Bruxelles est occupé ; les enfants retournent à Waterloo et à Anderlecht. On va reprendre au plus vite les cours, comme nous l’ordonne une circulaire du ministère de l’Instruction publique, section de l’Enseignement professionnel, daté du 27 mai.
Le 28 mai parvient une nouvelle incroyable : l’armée belge a capitulé. A partir de ce jour, nous voyons revenir un grand nombre de nos élèves et aussi tous nos collègues. Il ne reste qu’une chose à faire : se remettre à l’ouvrage et croire en des jours meilleurs. Certains de nos élèves peuvent reprendre leurs études à l’Académie des Beaux-Arts ainsi qu’à l’Institut des Arts et Métiers et également au Conservatoire de Bruxelles. Les enfants juifs furent maintenus à l’école. Les difficultés furent nombreuses et ne cessèrent d’augmenter. Heureusement, les réserves faites en matières premières pour les ateliers, en victuailles, en charbon et en outillage remis aux enfants par le Protectorat nous permirent de ne pas trop souffrir des restrictions imposées par la guerre. Au début de chaque mois, les enfants sont pesés et, en général, il y a augmentation du poids. Nous devons remercier l’Œuvre nationale de l’Enfance et le Secours d’Hiver qui ont largement contribué à cet heureux résultat. Les délégués de la Commission de Contrôle linguistique ont voulu nous ennuyer, mais les autorités ont rejeté leurs propositions tracassières. Il y eut aussi les nombreuses alertes aériennes, les bombardements, le travail obligatoire en Allemagne, les longues absences de certains élèves qui furent la cause que le rendement n’a pas été ce qu’il aurait dû être. Toutefois, le personnel s’est dévoué d’une façon admirable. Il me plaît de souligner les trois livres de lecture en français dus à M. PAROTTE, qui sont la copie de son cours de langue aux sourds, et les deux livres en flamand, œuvres de M. VANGOIDSENHOVEN, qui comprennent l’enseignement du calcul aux premier et deuxième degrés Ces productions durant la guerre témoignent du dévouement des maîtres envers leurs élèves.
1941 - Création d'un Cercle de Gymnastique et de Sports à l'Institut
Créé par Mr Arthur Noël, professeur de gym, dirigé par un Comité de trois professeurs et groupait tous les élèves désireux de se livrer aux activités sportives.
Victimes de la guerre
En mai 1940, les routes menant vers le Sud et l’Ouest virent fuir, en plus des hommes de 16 à 45 ans rappelés par des ordres officiels, les femmes, enfants, vieillards de tous les coins du pays. Quel triste spectacle, quelle boucherie, quelle honte pour la civilisation ! Notre élève Robert RAYÉE, de La Hulpe, âgé de 16 ans, accompagnant ses parents en fuite, fut mortellement blessé au cours d’un bombardement à Gits (Flandre-Occidentale), le 27 mai 1940. Suite à une conférence donnée à Ixelles, je fus invité à passer par la rue Belliard ; je parvins à démontrer le contraire de ce que renfermait mon dossier et put heureusement sortir de ce magnifique… mais funeste bâtiment qui en imposait, car on ignorait en entrant si l’on en sortirait. Au début d’août 1944, M. Noël, professeur d’éducation physique, fut arrêté par la Gestapo et il eut la chance de se trouver dans ce fameux train qui, le 2 septembre, mit tant de temps pour aller à Malines… et si peu pour revenir à Bruxelles, où il retrouva sa liberté.Modifications dans le personnel
Les professeurs LEPAGE, CRAMER, Darimont et Gérard BORRÉ (1881-1957 – qui devint président de la Ligue Braille), atteints par la limite d’âge, furent pensionnés et remplacés par MM. Roger LONNOY, Roger D’HONDT, Nicolas BARON et Émile WICKET, admis comme aspirants professeurs. L’Administration provinciale a admis la création d’un service social à l’Institut ; Mlle MANDIAU, de l’École sociale, fut la première à diriger ce service.Plusieurs de nos anciens collègues n’eurent pas la joie de voir la Belgique libérée et nous furent enlevés prématurément. Citons : M. LANDRAIN, professeur honoraire et bourgmestre de Berchem-Sainte-Agathe, le 12 février 1941 ; M. Benoît VANDEN BROECK, instructeur honoraire à l’atelier de menuiserie, le 4 avril 1941 ; M. Robert FAES, docteur en pédagogie, jeune maître plein de dévouement se destinant à l’éducation des aveugles, le 11 février 1942 ; M. Joseph CRAMER, professeur honoraire pour les aveugles, le 11 mars 1944 ; enfin M. Oswald MARTIN, directeur honoraire, le 29 novembre 1944. Par ailleurs, certains membres du personnel souhaitant revenir après la guerre, furent écartés pour cause de collaboration ou d’intelligence avec l’ennemi. (NDLR)
Améliorations apportées à l’établissement
On n’a pas perdu son temps pendant cette longue occupation du pays. La nouvelle salle de gymnastique, en construction en 1939, a été terminée et équipée d’une façon complète et moderne, sous l’intelligente direction de l’inspecteur DE GEYNST. Une salle de bains comprenant 20 douches, un vestiaire muni d’armoires individuelles qui permettent aux élèves d’y déposer leurs tenues de gymnastique sont contiguës au gymnase. A la salle de jeux fut aménagé un couloir-vestiaire comptant 20 lavabos avec eau courante et complété par quelques toilettes et urinoirs. La cour fut nouvellement dallée, les installations sanitaires remplacées, un préau comportant deux bancs construits et adossés au nouveau gymnase, l’entrée remise à neuf, la vieille grille remplacée par une porte moderne. Les murs extérieurs furent démolis et remplacés par des matériaux gais et riants.La création du hall d’entrée avec son escalier monumental et l’aménagement d’une magnifique salle des fêtes avaient précédé ces travaux avant la guerre ; Deux étages y avaient été ajoutés. Le premier comprenait une salle de jeux pour les aveugles, spacieuse et lumineuse, en face de laquelle fut aménagée une vaste salle de musique dans laquelle des cabines insonorisées, souvent équipées de pianos, bordaient un large couloir de circulation. Celle-ci a été supprimée au milieu des années 1970 pour faire place à de nouveaux locaux scolaires. Le second de ces étages fut affecté à des dortoirs pour les sourds-muets. La création de cette partie nouvelle, qui nécessita le percement de la muraille latérale droite pour accéder au corps du bâtiment par l’intérieur, fut aussi l’occasion de rénover et de moderniser l’aile droite de celui-ci.
Il fallut attendre les années 1950-1952 pour que soit entreprise la rénovation et la modernisation de l’aile gauche et de la façade, qui avaient déjà été adjugées, mais dont l’exécution des travaux n’avait pas été autorisée par l’autorité de tutelle de l’Institut. Cette partie, qui formait essentiellement le corps originel du bâtiment, ne répondait plus aux exigences modernes de sécurité ni de confort. Si le réfectoire et la cuisine furent surtout modernisés, les étages subirent de profondes transformations : suppression des planchers en bois, qui furent remplacés par du carrelage ou du parquet (dortoirs) ; réaménagement des classes (fenêtres larges et métalliques, mobilier pratique et agréable) ; le second étage comporta quatre dortoirs (sourds moyens et grands dans l’aile droite, petits et aveugles et malvoyants dans l’aile gauche – tous contigus à des locaux sanitaires ; les anciens greniers furent surélevés et aménagés en un nouvel étage qui reçut la lingerie, la bibliothèque braille et les chambres du personnel féminin interne (cuisinière, servantes). Une nouvelle infirmerie fut également construite au fond du jardin. Non loin de là se trouvait aussi un chenil où étaient logés les chiens-guides de la Ligue Braille. Un pavillon pour filles fut construit sur le domaine hors les murs à la fin des années 1950.
À partir du milieu des années 1960, le nombre d’internes diminuant considérablement, de nouvelles transformations s’imposèrent, mais elles n’eurent pas le caractère structurel de celles que je viens de décrire. Les grands dortoirs furent aménagés en chambrettes de 2, 3 ou 4 pensionnaires ; de nouvelles classes furent aménagées dans des locaux devenus trop spacieux ou ayant changé d’affectation. La création d’une section néerlandophone avec direction séparée (1966) nécessita de nouveaux locaux scolaires et on se mit alors à construire dans ce véritable poumon de verdure qu’était encore « notre » jardin. Les choses ne se sont pas améliorées depuis que la politique s’en est mêlée en scindant l’Institut en deux écoles différentes avec leurs directions respectives et leurs élèves qui ne se connaissent plus.
Pierre Lefebvre, et d’après Auguste LONNOY (extraits de la revue des 125 ans de l'Institut)
L’Institut depuis la guerre
Auguste LONNOY eut comme successeur le Tirlemontois Arthur VANGOIDSENHOVEN (19947-1971). Son règne » fut marqué par l’achèvement de la rénovation et de l’agrandissement des bâtiments. Une section de filles fut créée en 1956, mais c’est à partir de l’année suivante que celle-ci commença à prendre de l’extension, d’où la nécessité de lui aménager de nouveaux locaux (atelier de coupe et couture au deuxième étage ; dortoir provisoire dans une partie de la vannerie, avant que ne soit construit le pavillon hors les murs.Peu après la guerre fut créée pour les aveugles et malvoyants – mais des sourds-muets y furent intégrés par la suite – une classe de dactylographie, qui fut confiée à Jacques MASSON ; celui-ci élabora un cours pluridisciplinaire étalé sur un cycle de six années i s’adressait aux adolescents à partir de 14 ans et apte à le suivre. Il comprenait bien sûr l’apprentissage de la dactylographie et éventuellement de la sténotypie braille, l’approfondissement au moyen de dictées difficiles de la pratique du français ou du néerlandais, la familiarisation avec le langage commercial et technique, la connaissance du matériel (machine à écrire) ; le cours état complété par l’enseignement de notions d’économie politique, de droit commercial ; une grande exigence était aussi apportée à la connaissance des règles de ponctuation et de disposition des textes de même qu’à la légalisation de tableaux ; la familiarisation avec la dictée enregistrée sur bande magnétique d’abord, sur dictaphone ensuite fut un précieux apport, en particulier pour les aveugles. Lorsque M. MASSON fut engagé comme directeur à la ferme école de Waterloo (1956), c’est Hervé CHARLIER qui reprit sa lourde succession. Il fut remplacé en septembre 1958 par une diplômée de cours commerciaux, Mme Mariette DELWICHE-PIRLOT ; d’emblée, elle insuffla à son cours une vitalité nouvelle en emmenant ses élèves visiter des entreprises (Banque de Bruxelles, imprimerie, etc.). Depuis les années 1990, l’ordinateur a relégué la machine à écrire aux oubliettes et les élèves apprennent à naviguer sur Internet et à maîtriser le traitement de texte de façon souvent remarquable.
L’enseignement général s’est lui aussi métamorphosé ; l’arrivée de régents, qui ont remplacé les instituteurs spécialisés pour les cours secondaires, ont apporté de nouvelles pratiques pédagogiques, notamment par la spécialisation des matières (mathématiques, français, néerlandais…).
En 1966 la direction de l’Institut fut partagée entre A. VANGOIDSENHOVEN (internat et section flamande) et Roger LONNOY (section française et externat) ; l’enseignement fondamental de chaque section eut aussi bientôt son directeur. Roger VANDEPUTTE fut directeur néerlandophone (1971-1983) ; côté francophone, R. LONNOY eut comme successeurs principaux MM. Roger DE KOSTER et GAILLY, Mme VANDEPUTTE et M. Jean OTLET. Comme je l’ai précisé au début, la réforme institutionnelle a provoqué la scission de l’ensemble en deux instituts différents. Actuellement, l’Institut Alexandre Herlin est dirigé par M. Marc GOLBERT.
La vie des internes à l’Institut
Notre existence d’internes était tributaire du rythme scolaire, certes, mais était marquée aussi par une vie sociale intense qui laissait peu de place à l’isolement – je ne parle pas de la solitude qui, elle, était bien réelle pour nombre d’entre nous sans que personne s’en préoccupât.La journée suivait un programme immuable :
En dehors de heures de classe, mais toujours dans le cadre de la surveillance, nous disposions d’une salle de jeux bien fournie (billard, ping-pong, jeux de société, radio, disques, bibliothèque de loisirs, cartes ; par beau temps, nous pouvions jouer, nous promener ou bavarder dans la cour et très souvent dans le jardin – ce qui était notre plaisir le plus grand. Deux cercles scolaires avaient été créés pour stimuler l’initiative des adolescents : les Hiboux pour les sourds-muets, l’Élan pour les aveugles et amblyopes. En dehors des distractions quotidiennes ou hebdomadaires, ces cercles, souvent avec l’aide ou le concours de membre du personnel, organisaient des fêtes (à Noël pour l’Élan, au Carnaval pour les Hiboux). De nombreux grands élèves des deux sections, mais particulièrement les sourds, pratiquaient des sports comme le football et le basket-ball. L’année scolaire était aussi animée par des fêtes ou manifestations qui rompaient un peu le train-train de la vie. Ainsi, début décembre, il y avait la fête de la St-Nicolas, particulièrement appréciée des plus jeunes ; en mai se déroulait régulièrement la fête sportive des écoles provinciales dans lesquelles se distinguaient particulièrement les sourds-muets ; je dois dire que ces moments-là étaient généralement pour nous, qui étions obligés d’y assister, une contrainte plus qu’un plaisir. Il y eut aussi, jusqu’au milieu des années 1950, le jour de l’Ascension, le traditionnel cortège de voitures organisé par le Protectorat pour emmener les internes en excursion durant une demi-journée dans une ville assez proche. Ce geste sympathique des automobilistes qui nous véhiculaient ainsi fut abandonné car ne correspondant plus guère à l’esprit du temps et relevait trop d’un paternalisme mal compris.
L’événement qui marqua considérablement les années 1950 fut le temps de l’Expo 58. Ce fut pour nous l’occasion de sentir le changement des temps : pour la première fois, on nous fit confiance en nous laissant déambuler sans surveillance parmi les pavillons et découvrir ainsi toutes les merveilles offertes à notre curiosité ; jamais aucun de nous ne manqua au moment du rassemblement pour le retour à l’école… Vers cette époque aussi, nous pûmes assister, accompagnés par un surveillant ou un professeur toujours volontaire, à des spectacles de théâtre ou à des concerts. Par ailleurs, pour rompre la monotonie des balades dominicales à travers Berchem, certains surveillants éclairés choisirent de nous faire visiter monuments et musées (Maison d’Érasme, Musée d’Art Ancien, Institut d’Histoire Naturelle, Maison de la Radio de la place Flagey, Musée du Chemin de Fer à la gare du Nord…).
À la fin de l’année scolaire, grâce à la générosité du Protectorat et des œuvres du journal « Le Soir », les pensionnaires, petits et grands, pouvaient bénéficier d’un séjour de vacances soit au littoral (Knokke, Middelkerke), soit dans les Ardennes (Hastière, Érezée), mais aussi d’un voyage dans les Ardennes et au Grand-Duché. Par la suite, des formules plus élaborées permirent à des groupes d’élèves de visiter des régions françaises (Corse, Bretagne, Savoie) ou autres…
Pierre Lefebvre (extraits de la revue des 125 ans de l'Institut)
1945 - Ouverture de la section commerciale pour aveugles à l'Institut
Acheter des produits de vannerie manufacturés et les revendre avec un bénéfices raisonnable couvrant les frais d'expédition et autres. Cette innovation a été réalisée dans le but d'inculquer, à nos élèves aveugles, le sens commercial, la façon d'acheter et de vendre, pour les initier à la branche commerciale qui est, pour eux, un excellent et lucratif métier.
Le Protectorat a immédiatement consenti l'avance de fonds assez importante d'ailleurs et la timide tentative est en voie de devenir une réelle affaire commerciale. Les aveugles s'intéressent beaucoup à ce genre d'activité et il est incontestable qu'ils en retirent tout le fruit possible.
1946 - Création de l'Elan
Créé par un petit groupe d'aveugles, présidé par Jean Sougné, ce club a pour but d'occuper les loisirs des élèves de la section Vue par des activités organisées et des jeux divers.
Les élèves suivants font également partie du Comité: Willy Denutte, Jan Van Begin, José Starck, Raymond Tanghe, Marcel Danvoye, Armand Hicguet et Alfons Bosmans.
1947 - Travaux à l'Institut
Les châssis en bois des fenêtres du 1er et 2ème étage sont remplacés par des châssis métalliques semblables à ceux des fenêtres du rez-de-chaussée
22/03/1947 - Bal de l'Amicale Vue
Premier bal organisé par le Comité des anciens élèves aveugles animé par l'orchestre du Protectorat et, par la suite par l'ensemble "Light and Dark" de Charles D'Haens jusqu'à la fin des années 70.
1948 - Création du Cercle "Les Hiboux"
Créé pour la section de l'ouïe, ce cercle a pour but l'éducation, la récréation et les loisirs.
19/11/1950 - Des lionceaux à l'Institut
Grande nervosité à l'Institut. Les grands magasins "L'Innovation" de Bruxelles, par l'intermédiaire du Protectorat, ont envoyé trois lionceaux bien vivants. Pendant une heure, les trois lionceaux du Capitaine Drysdale ont fait la joie et l'émerveillement des élèves sourds et aveugles, qui ont pu, à loisirs, toucher et caresser Toto, Togo et Bruce se promenant en liberté parmi eux. Des photos ont été prises à cette occasion afin que les élèves puissent fièrement les montrer à leurs parents.
1952 - Inauguration du chenil de la Ligue Braille
Dans l'assistance, on remarquait le Comte de Meeus, représentant la Reine Elisabeth; MM De Pues, représentant M De Néeff, gouverneur du Brabant; Husdens, député permanent et président de la Commission d'administration de l'Institut; Cantillon, député permanent; Mme De Brakelaer, échevin des Oeuvres sociales de Berchem et de nombreux conseillers provinciaux.
Après une allocution de M Henri Lemaire, secrétaire général de la Ligue Braille, qui a retracé les efforts faits en vue du reclassement des aveugles dans la vie publique, les personnalités ont été invitées par M Vangoidsenhoven, directeur de l'Institut, à visiter des classes d'aveugles. En leur honneur, deux jeunes aveugles ont exécuté avec talent divers morceaux au piano et au violon.
L'inauguration du chenil a donné lieu à des démonstrations pratiques au cours desquelles les aveugles, conduits par des chiens-guides, ont pu éviter les obstacles parsemés sur leur route, et ont fait exécuter des exercices à leur chien-guide, tels que ramassage de cannes ou de pièces de monnaie.
Un vin d'honneur a clôturé cette manifestation aux buts humanitaires et sociaux.
Le "Speech amplifier", un appareil collectif
L'Institut a expérimenté, il y a quelque quinze ans, un appareil amplificateur de sons dont on disait à l'époque monts et merveilles. Il donna des résultats assez peu encourageants.
L'école a acquis récemment un nouvel appareil collectif, le "speech amplifier" - amplificateur du langage - qui est utilisé en Hollande depuis quelques années et dans certains instituts belges depuis quelques mois.
Des progrès appréciables ayant été réalisés dans le domaine de la prothèse auditive, sans doute sommes-nous en droit d'en attendre une aide qui nous fut à peu près totalement refusée par l'appareil dont nous rappelions plus haut l'existence.
Les appareils individuels dont il vient d'être question sont d'une réelle utilité, mais seulement dans le cas où les élèves qui les portent ont des restes auditifs suffisants.
Le "speech amplifier" s'adresse, lui, aux enfants dont l'ouïe est assez faible ou même nulle.
Va-t-il leur permettre d'entendre ? Non, évidemment, il ne peut en être question.
"En quoi, dès lors, demanderez-vous, peut-il leur être utile ?"
Essayons de répondre brièvement et simplement à cette question et commençons tout d'abord par expliquer comment fonctionne l'appareil.
Le maître parle devant le micro. Sa voix est amplifiée dans des proportions considérables, sans qu'elle soit, pour autant, déformée. Six écouteurs permettent à six élèves de suivre simultanément les exercices. Grâce à un potentiomètre individuel, ils peuvent régler à volonté la puissance des sons qui parviennent à leurs oreilles. Un contrôle automatique de volume, comptable à celui qui existe dans les bons appareils individuels, évite cependant que les bruits produits en classe pendant les séances leur soient douloureux ou les gênent. Un deuxième micro qui leur est destiné leur permet d'"entendre" leur propre voix ou celle de leurs condisciples.
Nous avons bien dit "entendre" alors que nous venons de prétendre qu'il ne s'agissait pas d'audition. Malgré leur surdité, tout se passe, en effet, comme s'ils entendaient. En cela, réside l'intérêt extraordinaire que présente le "speech amplifier". Des casques munis d'écouteurs avec pavillons en caoutchouc s'appliquant contre la tête des élèves leur permettent de percevoir avec précision les différentes vibrations produites par les sons qui constituent le langage. Il convient donc d'apprendre aux enfants, par l'exercice, à interpréter ces vibrations, en d'autres termes, à reconnaître, grâce à elles, que tels ou tels éléments phonétiques ont été prononcés.
Est-ce possible ? Les résultats obtenus jusqu'ici dans les écoles où des expériences ont été tentées semblent prouver que oui.
Ce qui dans tous les cas, paraît certain, c'est que l'emploi du "speech amplifier" transforme dans des proportions qui sont loin d'être négligeables la voix des élèves. Elle devient moins rauque, plus vivante, dit-on.
Nous allons donc mettre tout en oeuvre pour exploiter notre appareil avec le maximum d'efficience. Nous renseignerons en temps utile les parents de nos élèves et nos lecteurs au sujet de nos observations.
Pour terminer ce bref aperçu, soulignons encore qu'aux dires des constructeurs du "speech amplifier", les sourds complets qui ont été habitués très jeunes à interpréter les vibrations deviendraient aptes après une période d'entraînement plus ou moins longue à se servir utilement d'une prothèse individuelle, ce qui leur avait toujours été refusé jusqu'ici.
Acceptons-en l'augure sans toutefois nous laisser emporter par un optimisme exagéré. Pour l'instant, permettons à M Reyers, à qui l'amplificateur a été confié, de poursuivre en toute objectivité les expériences commencées il y a quelques semaines et attendons-en les résultats avec confiance.
Armand Cornet
Elèves portant un appareil accoustique individuel
Le speech amplifier, appareil acoustique collectif
15/04/1953 - Inviter des aveugles aux matches de football
Le succès de cette expérience dépassa tout ce qu'on pouvait imaginer. Les aveugles furent ravis de se sentir mêlés à la foule et de vivre le match avec elle.
La voie est tracée, il ne tient qu'à de grands clubs de la suivre.
Un de nos collaborateurs était chargé de commenter la rencontre aux aveugles. Il vous fait part, ci-dessous, de ses impressions.
C'est d'Ecosse, à l'initiative de Rex Kingsley, rédacteur au Sunday Mail, de Glasgow, qu'est venue l'idée de faire "voir" des matches de football à des aveugles! Dans son pays, des aveugles (une douzaine environ) sont maintenant invités régulièrement à des rencontres et un speaker se trouvant parmi eux, leur fait vivre le plus intensément possible, les événements de la rencontre. Cette initiative connaît un succès retentissant et semble s'étendre de plus en plus. Au Danemark, par exemple, Gunnar Anderson, qui est un grand monsieur du journalisme, s'occupe activement de la question et se dévoue corps et âme, aidé par son gouvernement, pour apporter un peu de lumière sportive à ces déshérités de la nature.
Austria-Hibernians était une occasion de tenter l'expérience en Belgique et, avec la collaboration de M Henri Lemaire, l'actif président de la Ligue Braille, douze aveugles de la Ligue Braille et de l'Institut de Berchem furent réunis au bord du terrain des Trois-Tilleuls.
Je vous l'avoue, jamais je n'ai ressenti pareille impression, ni émotion plus intense.
A voir l'expression tendue de ces visages qui semblaient recueillir et cristalliser ce qui se passait sur le terrain, je me suis senti tout petit et infiniment reconnaissant.
Avais-je l’imprudence de faire une pause pour reprendre haleine, aussitôt les figures se montraient inquiètes et les questions fusaient de toutes parts.
Il était d’ailleurs étonnant de constater à quel point ces aveugles étaient réceptifs, s’enthousiasmant pour les goals marqués, s’intéressant aux noms des joueurs, aux vêtements des cornemuseurs et à la foule nombreuse qui ceinturaient la piste. Il fallait tout leur dire, et ils exaltaient quand je leur décrivait les "dubbles" de Stojaspal ou la carrure "bahut normand" de Gowan.
Malgré la bise qui ne cessa de souffler, c’est avec regret qu’ils entendirent le coup de sifflet final.
Alors, un des plus petits, à la figure éveillée et aux abondants cheveux bouclés formula le désir soudain de pouvoir toucher et sentir l’uniforme des cornemuseurs écossais.
Rapidement, nous fûmes près de ceux-ci et le «Pipe-major» accepta volontiers de se prêter au désir du petit aveugle.
Émouvante minute! Les gens qui nous entouraient se turent soudain, pendant que les mains hésitantes du jeune garçon tâtonnaient le long de la tunique, s’arrêtant aux boutons, repartant maladroitement vers les épaules et l’imposant bonnet à poils.
Un court instant, le cœur des personnes présentes, supporters anonymes, soldats écossais, agents de police, etc…, communièrent intensément… pendant qu’un petit aveugle, content et souriant de toutes ses dents me serrait fortement la main!
José Chenaux, "Le Soir" du 22/04/1953
Ramassage scolaire des enfants aveugles, amblyopes ou sourds à domicile vers l'IPHOV et retour le soir depuis 1967
Septembre 1971 - ouverture de l'atelier pour le travail du fer (section néerlandophone)
Club théâtre à l'IPHOV
Le groupe théâtral "Les Silencieux" débuta à l'IPHOV en 1973 sous la direction d'une éducatrice, Martine Bourgeois, avec la pièce "Blanche-Neige". Les élèves furent tout de suite enthousiasmés par cette activité et la troupe se distingua en 1975 en remportant le 1er prix du Tournoi Provincial des Jeunes Troupes d'Amateurs.
Cours de téléphonie à l'IPHOV depuis l'année scolaire 1975-76
Ces cours prennent place dans le cadre de la section "dactylographie - travaux de bureau", un complément indispensable à la formation de dactylographe-copiste.
Octobre 1976 - L'IPHOV se transforme...
Un nouveau pavillon pour les enfants des classes maternelles.
Tout neuf, moderne, accueillant, planté dans la verdure.
L'entrée principal donne accès à un vestiaire et à une très spacieuse salle de jeux généreusement éclairée par de larges fenêtres. Cinq classes communiquent directement avec cette salle de séjour et de récréation. Facilité et sécurité!
Les toilettes sont toutes proches: wc séparés, urinoirs, miroirs, anneaux portes-essuie-mains, tout à la mesure des plus jeunes. Confort et propreté!
Double-vitrage partout, chauffage électrique, éclairage anti-éblouissant, liaisons téléphoniques. Tout y est!
Et avantage appréciable, les petits disposent maintenant d'une pelouse et d'un local particuliers où ils peuvent passer leurs loisirs en toute quiétude.
20/05/1983 - inauguration du pavillon de la section primaire néerlandophone
L'inauguration a eu lieu sous une pluie battante par Madame Sonja Van Lint, membre de la Députation permanente du Brabant, en présence du bourgmestre Guns, de la direction et des sympathisants de l'IPHOV.
Septembre 1985 - création du troisième degré (deux dernières années du secondaire supérieur) à l'IPHOV
1992 - Le GRICCA (Groupe de recherche et d’information consacré à la cécité et à l’amblyopie)
Créé principalement à l’initiative d’André DE PRINS, ancien élève et kinésithérapeute à l’Institut Alexandre Herlin, le GRICCA met sur pied, depuis 1992, des expositions présentées dans le cadre du musée multi sensoriel conçu à cet usage.
Pierre Lefebvre (extraits de la revue des 125 ans de l'Institut)
1994 - AUH (Amis Unis d'Herlin)
Créé sous le nom AUM (Amis Unis des Malentendants) le 15/09/1994, modifié en AUH le 29/01/2009 lors de l'AG et paru au Moniteur le 18/05/2010. Le but de l'Association est de promouvoir la culture et les sports chez les élèves grâce à des tombolas, des repas, des activités festives, des concerts...
1995 - L'IPHOV devient Institut Herlin et Kasterlinden Instituut
Suite à la scission de la Province du Brabant: la section francophone est reprise par la COCOF (Commission Communautaire Française de Bruxelles-Capitale) et la VGC (Vlaamse Gemeenschapscommissie) reprend le côté néerlandophone. L'établissement est baptisé "Institut Alexandre Herlin" en mémoire du célèbre professeur qui y avait enseigné avant la seconde guerre mondiale. Du côté néerlandophone, le nom choisi est "Kasterlinden". Quelques années plus tard, l'IMP devriendra un internat (toujours lié à l'école).
2014 - Travaux à l'Institut
C'est avec une certaine nostalgie et une tristesse certaine que les Anciens de Berchem ont assisté, impuissants, à la destruction massive de tout un patrimoine chargé d'histoire.
Quid des arbres centenaires aux essences rares, des pommiers, poiriers, cerisiers, vergers...
Ils ont également vu s'écrouler des immeubles mythiques: maison du comptable de l'époque, infirmerie, maison directoriale dans laquelle se sont succédé moultes générations de directeurs néerlandophones et francophones, ses parc et jardin privés ainsi que son étang si reposant!
Tout cela pour faire place nette au béton.
Mais on n'arrête pas le progrès! Baume au coeur: les ateliers qui longent le terrain de sport, jusqu'ici épargné, ont été réaménagés en espaces clairs et accueillants. Une vraie réussite qui s'inscrit dans la lignée et le respect du site initial.
2015 - Instistut Kasterlinden Et voilà! L'école Kasterlinden a pris possession de son nouveau et immense domaine. C'est impressionnant.
L'adresse également a changé: dixit la rue de Dilbeek. Il s'agit maintenant de se rendre au n° 434 de la rue de Grand-Bigard pour pouvoir accéder à ses locaux: classes et administration.
Quant au Protectorat, rien a changé; il continue à offrir la Saint-Nicolas aux élèves des deux Instituts.